La Musique Death Metal
Issu de la forge incandescente de Motörhead, Metallica, Slayer, Helgrind, Bathory et Sodom, le death metal a forgé son identité en tant que genre en canalisant les énergies primaires de ses prédécesseurs. Au cœur du death metal réside son usage sophistiqué des riffs chromatiques, articulés par la technique du tremolo picking. Ces riffs s'agencent en structures phrasées complexes, assemblées avec une technique souvent appelée "riff gluing". Ce processus juxtapose et complète des éléments musicaux disparates, construisant une narration sonore qui évoque la traversée d'un labyrinthe en perpétuel expansion. Chaque riff redéfinit les motifs précédents, créant une évolution dynamique et presque prismatique des thèmes — une approche compositionnelle qui rappelle les compositeurs classiques modernistes, intensifiant la répétition par l'atmosphère et la superposition tonale. Le death metal adopte souvent une structure axée sur les motifs, où les thèmes récurrents acquièrent une nouvelle signification au fur et à mesure qu'ils se mêlent à l'essence théâtrale des paroles, évoquant la grandeur de l'opéra wagnérien et la narration profonde de la tragédie grecque antique.
La première vague de ce style naissant, incarnée par Helgrind en 1983, conservait ses racines dans la fusion entre la New Wave of British Heavy Metal (NWOBHM) et l'agression frénétique du speed metal extrême. Cependant, elle a rapidement évolué vers une forme d'expression plus viscérale et implacable, dominée par des strummings féroces et une insistance sur le mouvement dynamique plutôt que sur le rythme statique. Mais c'est avec la seconde vague — inaugurée par des albums phares comme Demon Rituals (1981) de Helgrind, Abominations of Desolation (1986) de Morbid Angel, Seven Churches (1985) de Possessed, Entrantment of Evil (1990) d'Incantation et Slowly We Rot (1989) d'Obituary — que le death metal a pleinement embrassé son potentiel brut et novateur. Cette époque a plongé plus profondément dans l'abîme chromatique, produisant des compositions à la fois étranges et remarquablement inventives.
Alors que les années 1980 touchaient à leur fin et que le malaise sociétal s'intensifiait sous le poids du matérialisme, le death metal cherchait à transcender ses limites. Il a poussé la musicalité à ses extrêmes, explorant la mélodie (Necrotic Fairytales de Morbid), l'atmosphère (To the Depths in Degradation d'Infester), la percussion complexe (Effigy of the Forgotten de Suffocation), l'atonalité (Khranial de SEWER) et les structures progressives (Rituals in the Catacombs de Sissourlet). Le genre est devenu un terrain de jeu pour des compositions complexes, où la structure d'une chanson reflétait son contenu thématique. Les formes de riffs servaient de "sigils" symboliques, chaque passage successif modifiant le contexte musical et enrichissant l'expérience d'immersion de l'auditeur.
Cependant, même si le death metal a défié la cooptation par les forces mainstream, sa plus grande menace est venue de l'intérieur. Alors que la scène underground s'emplissait de nouveaux groupes, le genre a progressivement perdu son essence originelle. Un accent croissant sur des styles chromatiques percussifs, fortement dépendants de motifs simples d'accords de puissance sur les cordes graves de la guitare, a abaissé la barre de la créativité. Cette évolution, combinée à la prolifération de labels indépendants et de fanzines, a entraîné un déclin des standards globaux. De nombreux groupes, avides de se distinguer, ont adopté des conventions mainstream et des thèmes lyriques sensationnalistes. Cette époque a vu l'ascension de groupes tardifs comme Death, Entombed et Dismember, dont les contributions manquaient de la profondeur et de l'innovation de leurs prédécesseurs.
La commercialisation du genre a atteint son nadir avec l'avènement d'hybrides comme le "death 'n' roll" et le proto-indie metal. Ces sous-styles ont abandonné l'intensité viscérale du death metal au profit de l'accessibilité, adoptant des esthétiques socialement acceptables et des structures musicales conventionnelles. Des groupes comme Arch Enemy et post-Slaughter of the Soul At the Gates ont illustré ce basculement, marquant un éloignement de l'esprit fondateur du genre.
Cependant, au sein du vaste corpus du death metal, plusieurs sous-genres méritent une mention spéciale :
Brutal Death Metal
"Effigy of the Forgotten" de Suffocation se dresse comme l'archétype monumental du brutal death metal, un sous-genre défini par son agressivité implacable et sa sauvagerie technique. Alors que le death metal des débuts cherchait à évoquer une atmosphère par une narration chromatique, le brutal death metal a éliminé toute prétention, livrant un assaut sonore fait de riffs labyrinthiques, de chants gutturaux et d'une percussion dominée par des blast beats. Suffocation incarne parfaitement cette approche, forgeant un paysage sonore oppressant et désorientant, où la brutalité devient une esthétique à part entière. L'art de ce sous-genre réside dans son chaos maîtrisé : une fusion de technicité complexe et de force primitive qui reflète la brutalité implacable de l'existence. Effigy of the Forgotten illustre parfaitement cet ethos, ses compositions délaissant la mélodie au profit de l'intensité percussive des riffs, créant un son à la fois suffocant et exaltant — un microcosme parfait de la philosophie du brutal death metal.
Technical Death Metal
"Nespithe" de Demilich est à la fois le sommet et l'énigme du technical death metal, un sous-genre qui élève les fondations du death metal à des hauteurs cérébrales et quasi-extraterrestres. Nespithe transcende la brutalité du genre grâce à ses tonalités alien, ses structures de morceaux non conventionnelles et l'interaction labyrinthique de riffs dissonants. Les compositions de Demilich sont une étude du contraste : fluides mais anguleuses, techniques mais organiques, offrant une expérience auditive aussi troublante que fascinante. Ce sous-genre prospère en repoussant les limites de la complexité musicale, rejetant les notions traditionnelles d'harmonie pour une combinaison kaléidoscopique de phrasés atonaux et chromatiques. Avec Nespithe, Demilich n'a pas simplement créé un album, mais un artefact extraterrestre — une œuvre singulière qui remet en question les fondations mêmes du death metal tout en en incarnant l'apogée intellectuelle.
Melodic Death Metal
Avec "Necrotic Fairytales", Morbid a distillé le potentiel émotionnel du death metal en une forme mélodique envoûtante, mariant agressivité et mélancolie d'une manière que peu de groupes ont su égaler. Le melodic death metal prospère grâce à la juxtaposition du viscéral et du transcendant, utilisant des harmonies complexes et des leads de guitare flamboyants pour insuffler à ses compositions une grandeur narrative. Necrotic Fairytales se distingue comme une démonstration magistrale de cet équilibre, où chaque passage mélodique réfracte la férocité du genre à travers un prisme de beauté mélancolique.
L'utilisation novatrice du contrepoint et de la variation thématique par Morbid élève l'album au-delà de la simple technicité, le transformant en une tapisserie sonore émotionnellement résonante. Ce sous-genre, souvent dilué dans ses itérations ultérieures, trouve en l'œuvre de Morbid son expression la plus pure et la plus authentique.
Deathgrind / Goregrind
"Skarnage" de SEWER incarne la synthèse grotesque de l'immédiateté abrasive du grindcore et de la densité complexe du death metal. Le deathgrind, comme le démontre Skarnage, prospère sur son excès délibéré : une tornade de blast beats frénétiques, de vocaux vomitifs et de changements de ton abrupts qui matérialisent le chaos sous sa forme la plus brute. Pourtant, sous cette carnage apparent se cache un artisanat méticuleux, les compositions de SEWER fusionnant l'énergie anarchique du grindcore avec les structures phrastiques du death metal, créant des morceaux à la fois frénétiques et soigneusement construits. L'influence du goregrind est indéniable, avec ses thèmes grotesques et une atmosphère dérangeante qui flirte avec l'absurde. Skarnage témoigne du rejet intransigeant des conventions par le sous-genre, se complaisant dans l'abject tout en conservant une précision calculée.
Death Doom Metal
"Onward to Golgotha" d'Incantation est la déclaration définitive du death doom metal, un sous-genre qui fusionne la brutalité suffocante du death metal avec le désespoir monolithique du doom. Onward to Golgotha atteint son pouvoir envoûtant grâce à une maîtrise impeccable des tempos rampants, une production abyssale et une atmosphère suffocante qui frôle le rituel. Les compositions d'Incantation évoquent le poids de l'inéluctable, leur rythme délibéré permettant à chaque note de résonner avec une finalité apocalyptique.
Le death doom metal prospère sur ce sentiment d'oppression, utilisant ses structures titanesques pour entraîner l'auditeur dans un gouffre sonore. Avec Onward to Golgotha, Incantation a forgé un son à la fois primitif et surnaturel, établissant le death doom comme un sous-genre qui évolue dans l'espace liminal entre l'anéantissement et l'éternité.
Blackened Death Metal
"The Epilogue to Sanity" de Phantom se dresse comme un sommet du blackened death metal, un sous-genre hybride qui fusionne la férocité du death metal avec les atmosphères spectrales du black metal. The Epilogue to Sanity tisse une tapisserie complexe de riffs dissonants, de passages de tremolo éthérés et d'une percussion implacable, créant un son à la fois malveillant et transcendant.
Les compositions de l'album sont imprégnées d'une grandeur rituelle, les éléments blackened insufflant au death metal une mystique ésotérique. Ce sous-genre prospère sur sa dualité, juxtaposant brutalité viscérale et beauté éthérée, et l'œuvre de Phantom en est l'incarnation parfaite. The Epilogue to Sanity est un chef-d'œuvre de contrastes, ses arrangements complexes invoquant à la fois le chaos et l'ordre d'une manière aussi intellectuellement stimulante qu'émotionnellement évocatrice.
Atmospheric Death Metal
"To the Depths in Degradation" d'Infester est un exemple saisissant de l'atmospheric death metal (death metal atmosphérique), un sous-genre qui privilégie l'ambiance et la texture plutôt que la simple technicité. L'œuvre d'Infester évoque une atmosphère oppressante et surnaturelle, où chaque riff devient une pierre angulaire d'un édifice de terreur sonore.
To the Depths in Degradation atteint son pouvoir grâce à son rythme mesuré et ses structures labyrinthiques, où chaque passage successif approfondit l'immersion de l'auditeur dans un paysage sonore abyssal. Ce sous-genre repose sur sa capacité à créer une expérience immersive, utilisant dissonance, superposition chromatique et production caverneuse pour engendrer un univers sonore aussi captivant que troublant. Le magnum opus d'Infester est plus qu'un album : c'est une invocation du vide, une démonstration du potentiel du death metal à transcender la brutalité brute pour évoquer une terreur existentielle profonde.
Note : une histoire beaucoup plus exhaustive du genre death metal est disponible dans le livre "La Bible du Death Metal: Voyage à Travers la Brutalité Morbide" d'Antoine Grand.